Ruée sur le cobalt : le sous-sol congolais continue à aiguiser les appétits des multinationales

L’histoire se répète pour le peuple congolais. Aujourd’hui, à l’heure des téléphones intelligents et des voitures électriques, ce sont les vastes ressources en cobalt recelées dans le sous-sol de la RDC qui font l’objet de toutes les convoitises. Un juteux marché que se partagent pour l’essentiel le géant minier suisse Glencore et des acteurs chinois.

L’industrie extractive a historiquement joué un rôle central dans le pillage des matières premières non agricoles du sud de la planète par les pays occidentaux. Un rapport de la Commission économique pour l’Afrique rappelle ainsi que « la plus grande partie des capitaux privés étrangers investis en Afrique entre 1870 et 1935 est allée à l’industrie extractive et le gros des investissements publics coloniaux était destiné au développement de ce secteur ».

Un siècle plus tard, cette exploitation minière se poursuit à un rythme effréné, en dépit de sa contribution à la crise climatique et de ses effets négatifs indéniables sur les populations et leur environnement. Un tiers du patrimoine mondial naturel – notamment celui situé en Afrique – serait désormais menacé par l’exploration pétrolière, gazière ou minière, selon un rapport de 2015 du WWF. Le secteur est aux mains de géants industriels tels que le suisse Glencore et ses 107 sociétés offshore, fondé par un homme d’affaires au passé sulfureux, Marc Rich.

Loin d’appartenir à un passé révolu, l’exploitation des richesses de l’Afrique par de grands groupes internationaux comme Glencore serait-elle même sur le point d’entrer dans une nouvelle ère ? C’est ce que pense Colette Braeckman, journaliste spécialiste de la République Démocratique du Congo : « Le cobalt, mais aussi les métaux rares, (niobium, germanium, antimoine, tantale, tungstène, graphite) sont les vecteurs essentiels des technologies nouvelles, celles qui nous permettront de dépasser l’ère du charbon, celle du pétrole et même celle du nucléaire et de nourrir non seulement nos véhicules, mais nos portables, nos ordinateurs, dotés de batteries rechargeables qui se retrouvent dans nos bureaux et nos maisons. » Le cobalt qui est justement en train de devenir l’un des marchés phares de Glencore.

Un boom du cobalt alimenté par la spéculation

Le cobalt entre, avec le lithium, dans la composition des batteries lithium-ion des téléphones de dernière génération, dits « intelligents » . Environ un quart de la production mondiale de cobalt est utilisée dans ces téléphones. Ces batteries devraient également équiper nos voitures électriques, voitures dites « propres » car supposées libérer l’humanité des hydrocarbures et diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. La France et la Grande-Bretagne ont déjà annoncé l’abandon des véhicules à essence et diesel d’ici à 2040 pour se tourner vers ce nouvel eldorado, sans trop se soucier des implications de cette stratégie à l’autre bout de la chaîne. S’il ne faut pas sous-estimer l’urgence et l’importance du combat contre le changement climatique, il est regrettable de constater l’absence de débat de fond sur les alternatives privilégiées, bien trop souvent imposées par des multinationales qui cherchent surtout à adapter leur quête de profits sur le court terme.

Le marché du cobalt est donc en ébullition et la tendance est à la hausse au London Metal Exchange, la Bourse londonienne où sont cotés les métaux non ferreux. Le prix de la tonne de cobalt a presque quadruplé en deux ans, d’environ 25 000 dollars la tonne en 2016 à 95 000 dollars fin mars 2018, son plus haut niveau depuis que le London Metal Exchange a commencé à suivre le métal bleu en 2010. La frénésie des spéculateurs est palpable. L’année passée, une demi-douzaine de fonds d’investissement, dont le suisse Pala Investments et le chinois Shanghai Chaos, auraient acheté, puis stocké pour spéculer, quelque 6 000 tonnes de cobalt.

Le sous-sol de la RDC encore une fois au centre des attentions

L’un des États les plus pauvres de la planète, la République démocratique du Congo (RDC), regorge pourtant de richesses. Mais elles ont systématiquement été exploitées, depuis la colonisation du pays par le roi des Belges Léopold II, au seul profit d’intérêts occidentaux : ressources hydrauliques, or, diamant, cuivre, coltan, uranium mais aussi désormais cobalt. Le pays, plus grand producteur de cuivre en Afrique, détient la moitié des réserves planétaires et assure à lui seul plus de la moitié de la production mondiale de cobalt, soit environ 66 000 tonnes en 2016 sur une production globale estimée à 123 000 tonnes la même année. En RDC, les bénéfices de cette production se concentrent principalement entre les mains du géant suisse Glencore (mines de Kamoto Copper Company et Mutanda Mining), et des firmes chinoises China Molybdenum (TFM) et CDM. Glencore prévoit de produire environ 35 % de la production mondiale du précieux minerai attendue cette année 2018.

Cette concentration de la production de cobalt entre la RDC, plongée dans un profond marasme politique, et la Chine (2e producteur mondial) fait peser un risque sur l’approvisionnement des multinationales comme Apple, Samsung, Volkswagen ou Tesla, très dépendantes de ces ressources. Volkswagen a d’ailleurs récemment annoncé sa décision de s’installer au Rwanda pour y bâtir une usine d’assemblage afin de se rapprocher des gisements de cobalt en RDC.

 

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